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Décret 2022/901 : les conséquences pour les industriels de la défense et l’aviation civile

Date : 8 juillet 2022

Clovis Leibovici

Stagiaire

Le 19 juin 2022, est entré en vigueur le Décret 2022/901 relatif aux matériels de guerre, armes et munitions ainsi qu’aux opérations sensibles intéressant la défense nationale ou la sécurité nationale.

 

Il s’adresse en majeure partie aux industriels de la défense mais aussi aux parties prenantes de l’aviation civile.

 

Il apporte, notamment, les nouveautés suivantes :

  1. Modifier le classement A2, relatif aux matériels de guerre (drones, armes électromagnétiques ou à rayon laser…).
  2. Contrôler la fabrication, la commercialisation de nouveaux matériels de guerre, armes munitions, ainsi que leur importation et leur exportation.
  3. Intégrer des dérogations concernant les servitudes aéronautiques de dégagement qui affectent l’aviation civile.

 

 

1/ Premièrement, le Décret 2022/901 modifie le Classement A2 (R311-2 du Code de la Sécurité intérieure).

 

NB : la catégorie A est divisée en deux sous-catégories :

      • A1 : les armes à feu (de poing ou d’épaule, leurs munitions et leurs éléments) interdites à la détention et ;
      • A2 (les « Matériels de Guerre ») : en particulier les armes à répétition automatique ainsi que les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat ces armes (équipements de combats, armes à rayon laser…).

Pour les « matériels de guerre », classés A2, sont requis :

      • Une autorisation particulière du ministre des armées (Bureau de la réglementation, du classement, du double-usage et de la sécurité industrielle ou « BRSI ») de fabrication, de commerce d’intermédiation ou de formation, appelée « AFCI » (L2332-1 du Code de la Défense).
      • Une autorisation d’importation (AIMG) et d’exportation ou de transfert intra-UE (respectivement les articles L2335-1 et L2335-2 ou L2335-9 du Code de la Défense), afin de pouvoir négocier, accepter des commandes et expédier ces matériels hors de France.

D’abord, le Décret modifie le 3° de la rubrique A2, auparavant limité aux seules armes à énergie dirigée (AED) utilisant un rayon laser ; y sont maintenant incluses les armes à ondes électromagnétiques de grande puissance.

Il n’y pas cependant aucune de précision sur la valeur de la puissance en question.

    • NB : Les armes électromagnétiques utilisent des faisceaux micro-ondes de forte puissance ayant des fréquences diverses, quelques kHz ou plusieurs centaines de GHz.

Ensuite, le Décret ajoute une nouvelle sous-catégorie A2§19° (gras ajouté): les « Armes, destinées à détruire ou à rendre inopérants des aéronefs circulant sans personne à bord, conçues pour l’usage militaire ou la sécurité nationale ».

    • NB : Cette nouvelle catégorie vise spécifiquement les armes construites pour la neutralisation des drones. Est entendu selon l’Article R311-1 du Code de la Sécurité Intérieure, comme arme, « tout objet ou dispositif conçu ou destiné par nature à tuer, blesser, frapper, neutraliser ou à provoquer une incapacité».

Ces nouveaux dispositifs lasers ou électromagnétiques ayant pour but de neutraliser les drones répondent par conséquent à cette définition « d’arme ».

Il apparait donc que tout dispositif anti-drones conçu pour usage militaire ou dans le cadre de la sécurité nationale, entre désormais dans le classement matériel de guerre A2.

Ainsi, les sociétés qui conçoivent, fabriquent ou commercialisent ces systèmes anti-drones doivent vérifier si leurs produits relèvent aujourd’hui de la catégorie nouvelle A2§19°. Dans l’affirmative, une AFCI doit être sollicitée auprès de la DGA/BRSI, puisqu’elle est nécessaire pour poursuivre toute activité de fabrication ou de commerce liée à la catégorie A2.

Enfin, pour permettre cette transition, le Décret prévoit que les opérateurs, qui détiennent du matériel nouvellement classé A2§3° ou au A2§19°, doivent :

 

 

2/ Secondement, le Décret 2022/901 modifie l’Article R2332-5 du Code de la Défense, relatif à l’autorisation de fabrication, de commerce et d’intermédiation.

 

En son 2°, le mot « territoire national » est supprimé : « L’utilisation ou l’exploitation, sur le territoire national, de matériels de guerre et matériels assimilés au profit soit de personnes publiques, soit de personnes privées justifiant d’un intérêt lié à l’exercice de leurs activités professionnelles ou à leur objet social ».

Le législateur a voulu écarter toute ambiguïté en rappelant ici que l’utilisation ou l’exploitation de matériels de guerre et assimilés, même hors du territoire national, nécessite au préalable une AFCI.

À noter que cette modification n’entrera en vigueur qu’à partir du 1er Octobre 2022.

 

 

3/ Enfin, le Décret 2022/901, a intégré des dérogations concernant les zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement, aux Articles D242-8 et D242-9 du Code de l’Aviation Civile.

 

  • Une zone avec servitude aéronautique de dégagement est une zone dans laquelle la hauteur des constructions et des obstacles de toute nature est réglementée. Cette zone a pour but de protéger les aéronefs afin qu’ils évoluent en sécurité en l’air et en particulier en phase d’approche (Tour de piste).

 

La modification de ces deux articles entraîne l’effet suivant : le ministre des armées pourra demander après étude technique, à installer des équipements concourant à la sécurité aéronautique ou à la sécurité du transport aérien public ainsi que bâtir des constructions ou installations nécessaires à la conduite de travaux, sur les aérodromes dont il est affectataire principal ou unique (au sens de l’Article R211-6 du Code de l’Aviation Civile).

Le ministre chargé de la Défense peut donc supplanter le représentant de l’État territorialement compétent, qui était auparavant le seul à pouvoir autoriser ces installations.