Goodbye NAFTA/ALENA! Holà USMCA !
Date : 27 mai 2020
Entrée en vigueur de l’USMCA le 1er juillet : Principaux problèmes de mise en œuvre et de conformité
Le 24 avril 2020, le représentant américain au commerce (USTR) Robert Lighthizer a notifié au Congrès que l’accord États-Unis-Mexique-Canada (USMCA) entrera en vigueur le 1er juillet 2020.
En conséquence, l’Accord actuel de libre-échange nord-américain (ALENA/NAFTA ) cessera ses effets à cette date.
Nous résumons ci-après les conséquences de ce changement que d’une part les importateurs et exportateurs américains, canadiens et mexicains vont devoir apprendre à gérer sous peu ainsi que d’autre part, les entreprises européennes qui jusqu’à présent utilisaient le cumul des avantages de l’accord UE-Mexique avec ceux de l’ancien accord de libre-échange (ALE) ALENA/NAFTA :
(1) les principales problématiques de mise en œuvre et de conformité ;
(2) les nouvelles orientations réglementaires américaines ; et (3) les autres changements importants ayant une incidence sur les enquêtes sociales, la protection de la propriété intellectuelle, le règlement des différends, le commerce numérique et la résiliation de l’USMCA.
- Principales problématiques de mise en œuvre et de conformité
L’entrée en vigueur de l’USMCA entraînera plusieurs changements par rapport à la manière dont les marchandises sont actuellement importées dans le cadre de l’ALENA, notamment en matière de:
- Règles d’origine pour la préférence tarifaire .
L’USMCA a apporté des ajustements importants aux règles d’origine (RO) de l’accord ALENA, en particulier pour certains textiles et vêtements, produits chimiques, produits pharmaceutiques, produits électroniques, produits énergétiques et produits automobiles. En conséquence, les produits qui bénéficiaient auparavant de préférences tarifaires peuvent ne plus en bénéficier et les produits qui ne bénéficiaient auparavant pas de ces préférences peuvent désormais en bénéficier. Par exemple, l’USMCA exigera que certains tissus élastiques, fils à coudre, tissus pour poches et tissus enduits des vêtements proviennent d’une partie de l’USMCA afin que le produit bénéficie d’un traitement préférentiel. En revanche, l’USMCA augmente de 7 à 10 %, les seuils de minimis pour les produits non originaires ce qui signifie que davantage de produits pourront bénéficier d’un traitement préférentiel dans le cadre de cette exception que dans le cadre actuel de l’ALENA.
Le changement le plus significatif concerne les règles d’origine pour le domaine automobile qui deviennent plus complexes et plus contraignantes.
Plus précisément, l’USMCA comprend trois règles d’origine applicables aux véhicules automobiles, qui devront désormais être respectées pour pouvoir bénéficier d’un traitement préférentiel. La première consiste en une augmentation de la teneur en valeur régionale (CVR) de tous les véhicules. La deuxième est une règle de CVR partiellement spécifique. La troisième est une nouvelle règle sur la valeur du travail (LVC), en vertu de laquelle un certain pourcentage de la valeur du véhicule doit être réalisé par des travailleurs gagnant au moins 16 dollars US de l’heure. L’USMCA prévoit une période d’introduction progressive de ces changements. En outre, les constructeurs automobiles doivent certifier chaque année que 70 % de l’acier et de l’aluminium utilisés dans leurs véhicules doivent provenir du Canada, du Mexique ou des États-Unis. Il n’y a pas de période d’introduction progressive pour cette exigence de 70 %. Toutefois, à partir de la septième année d’application de l’ USMCA , l’acier devra être fondu et coulé, et non pas seulement fini, en Amérique du Nord pour être considéré comme un bien originaire.
Il est par ailleurs prévu qu’au cours de la 10ème année de l’USMCA, les parties devront définir des normes d’origine pour l’aluminium. Ces modifications des Règles d’Origine n’auront pas seulement un impact sur les véhicules finis, mais sur l’ensemble de la supply-chain automobile.
1-2 Frais de traitement des marchandises.
Comme dans le cadre de l’ALENA, les importateurs pourront toujours demander a posteriori un traitement tarifaire préférentiel après l’importation et ce dans le délai d’un an à compter de la date d’importation du produit. Toutefois, les frais de traitement des marchandises ne seront plus remboursés.
1-3 Certificats d’origine.
Dans le cadre de l’ALENA et de l’USMCA, les importateurs qui demandent un traitement tarifaire préférentiel pour des produits en provenance du Canada et du Mexique doivent détenir un certificat d’origine valide. Toutefois, la procédure d’obtention d’un certificat sous l’USMCA sera désormais plus simple d’un point de vue administratif.
Par exemple, actuellement, seuls les exportateurs ou les producteurs peuvent remplir les certificats d’origine. En outre, le seul format acceptable est le formulaire 4 34 des douanes américaines.
Dans le cadre de l’USMCA, l’importateur pourra désormais également émettre un certificat d’origine. S’ il n’est pas prévu de format prescrit pour les certificats d’origine, en revanche, des informations spécifiques devront y figurer dans le cadre de l’USMCA. Les importateurs pourront néanmoins rencontrer des difficultés pour recueillir les informations nécessaires, surtout s’ils ne sont pas affiliés à /du même groupe que/ l’exportateur. Mais, tant que les règles d’origine NAFTA et USMCA sont les mêmes pour les matériaux/composants et pour le produit fini, l’importateur devrait pouvoir se fier aux certifications NAFTA existantes et ne pas attendre pour préparer ses nouvelles certifications USMCA : en effet, il devra être en possession de ce certificat au moment de l’importation s’il fait une demande de préférence USMCA à partir du 1er juillet 2020.
1-4 Règles de marquage du pays d’origine
En vertu de la législation douanière américaine (section 304 du Tariff Act de 1930), les entreprises qui importent aux États-Unis de tous les pays doivent apposer sur les produits d’origine non américaine une étiquette indiquant leur pays d’origine. Actuellement, les règles de détermination de l’origine pour le marquage/étiquetage des marchandises importées du Canada et du Mexique sont codifiées dans la partie 102 du règlement douanier (NAFTA Marking Rules). En vertu de la partie 102, l’origine est largement déterminée sur la base des changements de classement tarifaire, ou des changements de position tarifaire, pour les matières étrangères utilisées dans la fabrication ou l’assemblage de d’un article.
Les règles de marquage de l’ALENA peuvent parfois différer des règles d’origine de l’ALENA et un produit doit satisfaire les deux pour pouvoir bénéficier des préférences tarifaires de l’ALENA.
Or l’USMCA éliminant les règles de marquage de l’ALENA , on peut donc prévoir que la règle générale douanière de transformation substantielle pourrait s’appliquer à la place, dans laquelle le pays d’origine sera alors celui où le produit a été entièrement obtenu ou celui où les matières étrangères utilisées pour fabriquer ou assembler le produit ont été transformées en dernier lieu de manière substantielle en un article portant un nom, un caractère ou un usage nouveau et différent.
1-5 Restrictions en matière de « drawback » (ristournes).
L’ALENA impose des restrictions en matière de drawback (c’est-à-dire les droits qui susceptibles d’être remboursés, réduits ou supprimés). Plus précisément, en vertu de la règle du « moins de » de l’ALENA, le drawback est le moindre des droits totaux payés ou des droits dus sur les marchandises lorsqu’elles sont importées dans un pays de l’ALENA et ensuite exportées vers un autre pays de l’ALENA. L’USMCA maintient cette restriction, mais étend l’exception relative au sucre prévue dans l’ALENA aux produits contenant du sucre tels que els boissons.
Ainsi, bien que les dispositions de l’USMCA en matière de drawback/ristourne soient largement identiques à celles de la NAFTA, les entreprises pourront bénéficier de drawback moindres car l’USMCA augmente simultanément les seuils de valeur des expéditions entraînant l’application du de minimis .
1-6 Le « Derecho de Tramite Aduanero » mexicain.
L’ALENA interdit aux parties d’imposer des droits de douane spécifiques sur les produits originaires, y compris les droits de douane mexicains (Derecho de Tramite Aduanero). En conséquence, la réglementation douanière du Mexique exempte spécifiquement les importations et les exportations de l’ALENA du paiement de ces frais. Cette exemption continuera de s’appliquer dans le cadre de l’USMCA.
2- Orientations réglementaires.
Les modifications de l’USMCA détaillées ci-dessus nécessitent des changements correspondants dans la réglementation américaine. L’USMCA Implementation Act, promulgué le 29 janvier 2020, autorise et fixe des délais précis pour la publication de ces réglementations.
Par exemple, au plus tard le 1er juillet, toutes les parties devront être convenues de « réglementations uniformes » définissant une interprétation commune des règles d’origine de l’USMCA et des dispositions relatives à la facilitation du commerce. Le US Customs & Border Protection (douane US : CBP) a publié des instructions de mise en œuvre provisoires le 21 avril 2020 afin de fournir aux parties prenantes des orientations jusqu’à ce que les réglementations finales officielles puissent être alignées sur Une Réglementation Uniforme. Les instructions de mise en œuvre provisoires fournissent cependant peu d’orientations. Les importateurs devront donc agir avec une diligence raisonnable pour se conformer à l’USMCA. La plupart des autres réglementations nécessaires à la mise en œuvre des changements de l’USMCA ont un calendrier de mise en oeuvre plus long et doivent être arrêtées dans un délai d’un an après le 1er juillet 2020, « dans toute la mesure du possible ». Le représentant américain au commerce a indiqué qu’en général, il n’est pas tenu d’accorder un pouvoir discrétionnaire d’exécution pendant une période de mise en conformité informée, laissant les importateurs s’adapter aux nouvelles exigences de l’USMCA. Les parties prenantes devraient donc être prêtes à se conformer à la plupart des dispositions de l’USMCA dès le 1er juillet 2020. D’ici là, toutes les réglementations de l’ALENA restent en place.
3-Autres changements essentiels sous l’USMCA.
3-1 Les Enquêtes sociales.
L’USMCA contient les dispositions les plus solides en matière de droit du travail et de l’environnement de tous les accords commerciaux jamais négociés, ce qui a contribué à son fort soutien bipartite. En ce qui concerne le travail, l’USMCA établit également un nouveau « mécanisme de réponse rapide dans le domaine du travail ». Ce mécanisme permet aux États-Unis ou au Mexique de demander qu’un groupe spécial indépendant procède à un examen accéléré d’un refus présumé de libre association et de négociation collective dans des installations spécifiques des deux pays. Les sanctions pour le refus de ces droits comprennent la suspension du traitement tarifaire préférentiel ou le refus complet d’entrée pour les biens fabriqués dans cette installation. Dans le cadre de ce processus, le groupe spécial peut demander à inspecter l’usine en question. Les précédents accords de libre-échange américains n’ont porté que sur les pratiques de travail à l’échelle du pays ou de l’industrie, et non sur les conflits de travail sur des lieux de travail spécifiques. Ce mécanisme, qui a été ajouté à la dernière minute à la demande des démocrates de la Chambre des représentants US, sera probablement mis en œuvre par les deux pays peu après l’entrée en vigueur de l’USMCA. Les secteurs ciblés peuvent comprendre, entre autres, l’exploitation minière, la sidérurgie et l’automobile.
3-2 Protection des droits de propriété intellectuelle
Le chapitre sur la propriété intellectuelle de l’USMCA constitue une extension importante des protections actuelle de la propriété intellectuelle prévues par l’ALENA et reflète largement les protections élargies des droits de propriété intellectuelle figurant dans d’autres accords commerciaux américains récents. Il est conçu pour renforcer l’application et la protection des droits de propriété intellectuelle, y compris les brevets, les marques de commerce, les droits d’auteur et les secrets commerciaux. Par exemple, les parties ne peuvent pas limiter la durée de protection des secrets commerciaux et doivent adopter des sanctions pénales pour le détournement de ces derniers. En outre, il existe des dispositions exigeant de nouveaux systèmes de notification et des procédures pour faire valoir les droits de brevet et contester la validité des brevets. D’autres dispositions étendent la protection des marques aux sons et aux odeurs. L’USMCA exigera la protection des droits d’auteur pendant au moins la durée de vie de l’auteur augmentée de 70 ans.
3-3 Règlement des différends entre investisseurs et États.
L’USMCA modifiera considérablement le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS) de l’ALENA. Premièrement, les dispositions de l’USMCA en matière de règlement des différends entre investisseurs et États ne s’appliquent qu’aux États-Unis et au Mexique. Les inventeurs américains au Canada et les inventeurs canadiens aux États-Unis devront se tourner vers les tribunaux nationaux ou d’autres mécanismes de règlement des différends. En outre, l’USMCA limite généralement le type d’allégations qui peuvent être portées devant un tribunal ISDS. Les seules demandes autorisées sont celles qui allèguent (1) une violation du traitement national, (2) une violation du traitement de la nation la plus favorisée et (3) une expropriation directe. Les demandes d’expropriation indirecte et de violation de la norme minimale de traitement sont exclues de l’ISDS. Et contrairement à l’ALENA, avant de se tourner vers le mécanisme ISDS, les investisseurs doivent d’abord épuiser les recours locaux en s’adressant aux tribunaux nationaux de l’État hôte et en obtenant une décision judiciaire finale ou en attendant 30 mois, à moins que cela ne soit « manifestement futile ou inefficace ». Toutefois, ces restrictions de fond et de procédure concernant les demandes d’ISDS ne s’appliquent pas aux investisseurs ayant signé des contrats gouvernementaux dans certains secteurs, notamment le pétrole et le gaz, la production d’électricité, les télécommunications, les transports et les infrastructures. L’USMCA prévoit une période de retrait progressif des protections en matière d’investissement de l’ALENA, qui s’applique aux trois parties à l’ALENA. Pendant une période de trois ans suivant la fin de l’accord, les investisseurs peuvent continuer à utiliser le mécanisme ISDS de l’accord pour les « investissements hérités », c’est-à-dire les investissements existants établis ou acquis entre le 1er janvier 1994 et le 1er juillet 2020.
3-4 Commerce numérique
L’USMCA innove également avec un chapitre dédié commerce numérique ; le premier du genre pour tout accord commercial américain. Le chapitre sur le commerce numérique officialise effectivement la libre circulation des données et l’échange de services numériques en Amérique du Nord, et réduit les coûts de transfert des données entre les pays. Plus important encore, le Canada, le Mexique et les États-Unis sont convenus d’éliminer tous les droits de douane sur les produits numériques. Il existe également une disposition qui empêche les trois parties d’imposer des exigences de localisation des données, ce qui peut limiter les flux de données transfrontaliers à partir des centres de données locaux. Cela est particulièrement important pour les vendeurs de commerce électronique, par exemple, qui ont besoin de transférer des données sur les clients et le commerce au-delà des frontières pour suivre les commandes et les produits. Une autre proposition limite la responsabilité des plateformes pour le contenu publié sur leurs sites par des utilisateurs tiers, sauf en ce qui concerne le respect de la propriété intellectuelle. L’USMCA empêche également les gouvernements de forcer les entreprises à divulguer leur code source, par exemple les algorithmes d’intelligence artificielle.
3-5 Autres dispositions
Parmi les autres dispositions figurent également des engagements en matière de transparence, de protection des consommateurs (y compris sur la vie privée) et de sécurité. Ce chapitre a servi de base à l’accord commercial conclu entre les États-Unis et le Japon l’été dernier et devrait servir de modèle pour les futurs accords commerciaux des USA.
Contrairement à l’accord NAFTA, qui pouvait rester en vigueur indéfiniment, l’USMCA prendra fin 16 ans après son entrée en vigueur, à moins que les parties ne conviennent toutes de le prolonger de 16 ans supplémentaires. Les parties prendront cette décision lors d’un examen conjoint mené six ans après l’entrée en vigueur de l’USMCA. Si les parties conviennent toutes de proroger l’USMCA, le prochain examen conjoint n’aura pas lieu avant six ans, après quoi les parties auront à nouveau la possibilité de proroger l’accord de 16 ans. Toutefois, si une partie décide qu’elle ne souhaite pas prolonger l’USMCA au cours d’un examen conjoint, les parties procéderont à des examens conjoints annuels pendant le reste de la durée de l’USMCA.
Paris, 26 mai 2020
Bertrand RAGER reste à votre disposition pour toute précision à ce sujet .
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